J’avais vu tous ses spectacles et on attendait devant le théâtre !!
Bon, peut être pas tous tous, mais j’ai commencé tôt, dans un tout petit théâtre de Bordeaux.
Passé devant une affiche dans le métro en revenant du collège (démerde toi avec les incohérences lecteur, je fais les racourcis que je veux), j’avais trainé ma mère dans une salle de 35 places à tout casser pour le voir.
Toute rouge la salle. Ca m’avait marqué autant de rouge.
Jean-Jacques, je le connaissais de la radio.
Mes dimanches matin se passaient sur la planche en bois qui sert de bar entre la cuisine et la salle à manger : en tailleur et en pijama entre l’enceinte de la radio et le bouquet de fleurs sauvages qu’Amatxi piquait dans les massifs communaux, je bavassais avec maman qui préparait le repas, jubilant, les oreilles branchées sur “rien à cirer” où Patrick Font parlait de “Taupe qui feuge”, et où Jean-Jacques partait dans son monde, de sa voix toute neutre, et finissait tous ses papiers par “à part ça, la vie est belle et c’est tant mieux” (tu crois que j’ai inventé le titre de ce blog ou quoi ?)
Ca compte qu’elle soit toute neutre sa voix.
Parce que la première fois en spectacle ça fait drôle de voir arriver un grand gars, velu (si si, il doit être velu, même s’il met une chemise, il doit être velu en dessous), qui se plante là, et parle d’une voix… Neutre. Et hypnotyse doucement le public. Et l’emmène dans son monde…
Son monde c’est celui d’un gars pas vraiment adapté au notre.
Le monde d’un gars qui se pose des questions, tire la pelotte, saute de digressions en digressions, se met dans la peau du moindre de ses personnages, et qui, d’un bout du spectacle à l’autre, reboucle sur ce qu’il a déjà dit… Magique !!
C’est en sautant de phrase en phrase, qu’il arrive à faire Eisenhower qui pleure au téléphone, suppliant Roosevelt de lui enlever De Gaulle des pattes dans leur préparation du débarquement… Au beau milieu d’un sketche sur un voyage de classe où il a eu son premier émoi sexuel à 12 ans…
(Tiens voilà un bout)
15 ans et 3 spectacles plus loin, on était donc devant le théâtre.
Octobre avait fait son travail, il commençait à se peler les miches, et je sautillais dans mon manteau, pleurant comme Eisenhower et imitant De Gaulle, mimant un saut à l’élastique du pont de Juvisy avec l’élastique du pont de Fontainebleau… Prêt à rentrer dans le théâtre pour le tout nouveau spectacle…
Mais la soirée ne s’est pas tout à fait passée comme prévu…
9h10 : la moitié de la boite devait déjà être au boulot.
Pour limiter les dégâts, il aurait fallu sauter par dessus les poubelles, choper des métros en marche, ou voler au dessus des toits de Paris, un poing en avant et un costard sur le dos… Impossible pour un simple Batiste…
Une légende de la région Toulousaine conte les aventures d’un cycliste fou, quasi invincible, et voué à un retard congénital. Il sillonnait les rues de la ville rose pour foncer au boulot ou au cinéma, le S de “Super Piou-Piou” gravé sur la poitrine. Quand on les interroge sur le sujet, les habitants se souviennent d’une odeur de goudron chaud après son passage, et d’un halètement caractéristique…
Mais comme Toulouse avait vu l’apparition de Super Piou-Piou, Paris pouvait compter sur Asphalte Jungle. Souple, élégant, racé, adapté aux moindres caprices de la ville, flairant les comportements de ses contemporains, Asphalte Jungle se fondait dans la masse avec une facilité déconcertante et se jouait des pièges tendus par ce milieu hostile.
Mais Asphalte Jungle travaillait en Musique…
J’enfonce mes écouteurs dans les oreilles.
Impossible de se transformer avec ça…
Non plus…
Pas de bol ce matin…
C’est en arrivant au rez de chaussée que j’ai trouvé ce qu’il fallait :
Mes pupilles se dilatèrent. Je gagnai 15 centimètres, 10 kilos de muscles, craquai mon costard, et me transformai en Asphalte Jungle !!
Connais-tu lecteur le croisement entre l’Avenue de la République, le Boulevard Parmentier, et la rue Oberkampf ? Le genre de coin où 3 rues, dont 2 à 4 voies, ont la joyeuse idée de se croiser… Le genre de coin qui sépare mon appart de la bouche de métro.
Et bien contrairement au petit Batiste qui se tape successivement 3 passages piétons pour traverser le carrefour, Asphalte Jungle sait qu’il existe un créneau, pas plus long qu’un coït de pou, pendant lequel on peut le traverser en diagonale.
NB : Asphalte jungle est un professionnel, lecteur, et il ne faut pas essayer de reproduire les exploits urbains décrits dans ce post. Si, malgré ces mises en garde, tu te sens un peu plus téméraires que les autres, et que tu voudrais traverser ça comme ça, je te préviens qu’il vaut mieux le faire en courant, le pou ayant un coït de l’ordre de la seconde…
Après ce premier exploit accompli sous les yeux ébahis des autres piétons, il se succéda une série d’actions qui dépassent l’entendement :
- Descente des escaliers du métro, à contre courant de lycéens en retard.
- Contournement d’une parisienne qui secouait vigoureusement son sac sur le lecteur de Pass Navigo.
- Arrivée sur la quai au même moment que le métro… Asphalte Jungle a lui aussi des fois de la chance.
Tout se passait bien, et à ce moment là ça faisait à peu près ça :
La première confrontation eut lieu sur ce quai., au moment d’ouvrir les portes du métro.
Peut être Asphalte Jungle s’était-il un peu relâché, peut être avait-il mangé un peu trop gras la veille au soir… On ne saura jamais… Toujours est-il qu’au moment de monter dans le métro, la parisienne - son ennemie jurée - lui donna un petit coup de coude. Déconcerté l’espace d’un instant, il eut un moment d’arrêt, fatal, et la garce en profita pour se jeter dans le métro pour prendre la dernière place assise…
Damned, il avait été fait !! Par une ruse de fourbasse de parisienne. Une ruse bien connue au catalogue des fourberies en plus…
Et comme la parisienne en question prit le malin plaisir de descendre à la station suivante, il se le jura qu’un jour elle paierait pour sa perfidie…
2 stations plus tard, la rame fut attaquée frontalement par les années 80.
Peut être un comatage trop prolongée devant M6 était la cause de cette faute de goût sans précédent, mais tous les yeux se tournèrent vers la chose qui venait de rentrer dans la rame : la frange du Crazy Horse, le haut haut d’Annie Cordie (oui lecteur, les plumes blanches), le bas de Lance Armstrong, et une paire de rangers… La parisienne contre-attaquait fort au travers d’une jeunette de 20 ans, et Asphalte Jungle ne put que difficilement retenir un fou rire qui eut immédiatement dévoilé son identité secrète…
Non lecteur, la matinée ne faisait pas de cadeaux, et l’heure du changement à Opéra arrivait. On allait voir ce qu’on allait voir. Il fallait atteindre l’ascenseur le plus rapidement possible, puis traverser une marée humaine en diagonale pour arriver sur le quai… Il vallait mieux être accompagné de ça :
A cette heure là, d’habitude, le quai est vide… Faut dire que les gens arrivent en général au boulot avant moi.
Mais ce matin là, le quai ressemblait à un jour de grève.
Un “accident de personne” en amont sur la ligne avait stoppé l’arrivée des RER, et des gars devaient être en train d’attendre leur RER depuis 10 bonnes minutes sur un quai qui ne cessait de se remplir.
Je passe les détails techniques, combinaison d’une grande connaissance de la situation des portes de RER par rapport au quai, d’une analyse fine des comportements d’écartement de la foule devant ces mêmes portes au moment où elles s’ouvrent pour laisser descendre les gens, toujours est-il qu’Asphalte Jungle fut le premier à monter dans la rame et fit des petits “coucou” de la main aux centaines de personnes laissées sur le quai au moment où le RER prit son envol.
Comme la situation devait être la même à Nation, Gare de Lyon, et aux Halles, il venait de griller la moitié de Paris. Parti à la bourre, il serait au boulot au même moment que ceux qui avaient quitté leur lit 1h avant lui.
Alors il se dit que finalement c’était une très bonne matinée, se revit jouer avec ses mains et le soleil. La musique qui l’entourait ressemblait à ça, et quand il vit une parisienne ranger délicatement son lecteur mp3 dans son soutien gorge, il se dit qu’il ferait un post dessus.
J’ai les yeux ouverts.
Le réveil n’a pas encore sonné, mais un rayon de soleil traverse ma chambre.
Je lève le bras, coupe le rayon de ma main, et la regarde dans cette lumière.
Il fait matin, il fait beau, et je joue entre ma main et le soleil.
De la proue de mon lit, le vendredi se dessine doucement entre mes doigts.
Y a p’tit dej au boulot, ça risque bastonner un peu pour le reste de la journée, mais la soirée, prélude au week-end, tiendra sûrement ses promesses.
Pour le moment, j’ai envie de profiter un peu de mon lit.
Avant la douche. Avant la journée. Pour retenir un peu les dernières vapeurs de mes rêves, et figer l’ataraxie du moment.
Nicolas Demorand finit par annoncer le début d’Inter-activ’, synonyme de retard au boulot, je me jète sous la douche.
Comment…
Comment après avoir vu Inglourious Basterds (tu sais la scène du début avec le paysan français…), comment ne pas se remettre le lendemain un bon vieux “Il était une fois dans l’Ouest” ?!??
Hein ?
Le film avec le générique le plus long de l’histoire du cinéma (et le mieux aussi…)
Plus long encore que la scène d’intro d’Inglourious Basterds (bon là ça y est tu le sens que j’ai aimé Inglourious Basterds ?) !!
Ben on peut pas !! (voilà t’as mon programme de la soirée…)
Bon n’empêche que j’ai plein de trucs à te raconter lecteur…
Mais là faute de générique trop long je vais pas avoir le temps ce soir !! Promis d’ici dimanche !!
Ha ça y est, le train arrive !! Je te laisse, je me concentre sur le “J’en vois 3 qui ne sont à personne”
(Pour les connaisseurs)
On était rentré dans le hangar et on s’était fait la réflexion.
Les gars étaient là avec leurs chalumeaux, de gros bouts de verre dans la main, et tout autour d’eux n’était qu’un gros hangar, mal ficelé et plein de taules, rempli de vases, de sculptures de verre, et recouvert d’un toit… Dont on s’est demandé comment il pouvait tenir…
La journée était chaude, on avait pas mal crapahuté avec les américains, trimballés par l’équipe d’accueil taïwanaise qui était bien décidée à nous faire découvrir l’intégralité de leur île en 2 jours, et dans le hangar, le petit vent du haut de la colline nous rafraichit en faisant un peu vibrer les murs ; instant de répit avant de ressortir visiter sous le soleil un village traditionnel (et manger de la pâte de riz).
Les gars faisaient partie de la visite et étaient là pour nous montrer ce qu’ils savaient faire avec leurs chalumeaux… On aurait chacun eu droit à une petit statue en verre, de l’animal qu’on demandait, et ceux qui ont eu des dauphins ou des dragons ont été beaucoup plus gâtés que Julien (qui avait demandé un coq et s’était retrouvé avec un méchant dans Albator) ou moi (avec ma tortue toute pourrite) !!
La journée était chaude parce que le typhon qui devait arriver le lendemain attirait tous les nuages à lui… La faible brume de pollution qui recouvrait Taïwan était partie en vacances à la mer, et le soleil des tropiques pouvait se lâcher sans contraintes au beau milieu du mois de juillet… Le lendemain, il allait tomber de marmites, on le savait, et en entrant dans le hangar le petit groupe de français s’était demandé : “Mais comment ça va tenir demain… ?”
Apparemment ça avait tenu ce coup là. Le typhon avait pas été trop méchant, avait un peu dévié sa course avant de se tamponner l’île. On a vu quelques arbres couchés dans les rues de la capitale, mais l’île s’en était pas mal sortie…
Je venais de me lever, de faire mon plus beau sourire de petit fils à mamie après 2 ans sans l’avoir vue, et de tapoter le dos de papi pour pas le déranger pendant son petit dej (moment important de la journée s’il en est).
On était à Plancoët, il faisait juillet, et ça sentait la douce musique des vacances, des balades en bord de mer et des aprèms de fun board…
8h36.
Je ne serais là qu’un long week-end contre les 2 semaines de vacances de notre enfance, et je comptais bien profiter de tous mes petits plaisirs Bretons : le petit dej, la côte et les cousins.
Placard.
Placard…
Placard :
Le petit fils : “Où t’as rangé le Banania mamie ?”
La mamie : “Mais j’en ai pas moi du Banania… Fallait prévenir !!”
Tu ne le soupçonnais pas lecteur, mais ma prochitude sait que dans certains lieux où le petit dej est sacré (chez mes grands parents et à Bordeaux par exemple), une malencontreuse absence de Banania, de lait, ou de beurre salé sur le coup de 8h du mat peut s’avérer fatale…
“Mais quel mauvais caractère celui-là” aurait même déclaré un membre de ma prochitude (ma mère) me découvrant un de ces petits matins à fulminer et à vitupérer contre l’irresponsable qui avait fait les dernières courses avant que j’arrive (mon père)…
Le lecteur assidu notera par conséquent l’effort considérable consenti par l’auteur auprès de sa mamie au cours de la conversation qui suit :
Le petit fils : “Heu mamie… Heu… Depuis combien de temps je bois du Banania le matin ?”
La mamie : “27 ans ??”
Le petit fils : “Voilà !! 27 ans dans 1 semaine et 2 jours…” (la scène se déroule y a une semaine moins 1 jour, je te laisse faire tes calculs lecteur) “Bon !!” (c’est là l’effort, lecteur) “C’est pas grave… Il ouvre à quelle heure le Super U ?”
La mamie : “Boah il doit déjà être ouvert là…”
8h47.
Presque lavé, presque habillé, et presque de bonne humeur, l’auteur se retrouve devant le Super U de Plancoët (au lieu de se retrouver devant un bol de chocolat au lait fumant…) !!!
Mais le Super U ne ressemblait pas à un super marché ouvert : toutes les portes étaient fermées, et un couple de petits vieux levés trop tôt était devant l’une d’elles, un caddie en guise de déambulateur, les charentaises dans les starting blocs, prêt à se ruer au rayon yaourt au moment où le départ serait donné.
Ouverture à 9h disait l’écriteau… 10 minutes à attendre dans la voiture… Et les petits vieux avaient du se crouter comme moi…
Mais en 10 minutes, une vingtaine de voitures se sont garées sur le parking et autant de petits vieux en sont sortis pour se coller, un caddie dans les mains, devant les portes du magasin.
Et c’était pas du petit vieux en vacances qui sait pas à quelle heure ouvre le Super U !! Non : du petit vieux tout ce qu’il y a de plus local, du qui vient faire ses courses toutes les semaines (ou tous les jours), et qui SAIT que le Super U ouvre à 9h !! Du petit vieux qui aime attendre devant des portes fermées pour être le premier à acheter des abricots (pour aller à la selle), et du All Bran (pour pas aller à la selle)…
La caissière a un peu halluciné d’avoir un jeune décoiffé en guise de premier client. (J’avais pas eu trop de mal à doubler les vieux dans les allées pour me faufiler jusqu’au rayon du chocolat en poudre) :
Le touriste : “Et c’est comme ça souvent la queue des vieux devant les portes pour l’ouverture ?”
La caissière : “Tous les matins… Les accidents de petit dej c’est plus rare…”
Le pire, c’est qu’une fois les courses faites, leur journée est terminée, alors qu’une fois mon petit déjeuner fini, il nous restait encore toute la journée pour profiter des petits plaisir bretons : la côte et les cousins !!
Lui : “C’est un peu dur pour moi en ce moment, je suis tout seul à gérer le gite…”
Nous : “Ha…”
Lui : “Et je cherche à vendre aussi…”
nous : “Ho…”
Le site web déclarant qu’Olivier et Philippe nous accueillaient pour le week-end, on avait pas mis longtemps à tirer nos conclusions en septembre dernier : Olivier s’était cassé avec un jeune bitnik, quittant son viel amoureux et la vie qu’ils avaient construite dans la montagne, et Philippe continuait, seul, à assumer le gite, les repas et la confiture de framboises !!
Abandonné au beau milieu de la montagne, des kilos de framboises à épépiner par jour et une soupe au potiron à préparer tous les soirs pour ses hôtes, sa joie de vivre l’avait abandonné au même instant que son amant, et les nuits chagrines devaient être légions dans la demeure isolée de Lauzet en Ubay… Tenir à tout pris, faire tourner le gite… Avant de pouvoir refaire sa vie !!
Quand on a appris que ce serait de nouveau Philippe qui nous recevrait seul le week end dernier, on a ressorti les mouchoirs.
Les mêmes gestes… Toujours… Mais seul.
La vie s’acharnait sur Philippe et sa gentillesse, la crise l’empéchait de vendre, et la vie ne devait pas être facile pour lui dans la dernière maison au bout de la route qui serpente dans la montagne…
Alors au moment du repas, on est tous descendu de nos chambres avec un regard de cocker…
On attendait un geste, un signe qui nous laisserait deviner que Philippe allait mieux, mais son doux regard mélancolique nous laissait deviner que la page n’était pas tournée, et c’est Florence qui a lancé la discussion quand les tartiflettes sont arrivées sur la table :
Flo : “Vous cherchez toujours à vendre ?”
Lui : “Oui… Mais c’est pas facile avec la crise…”
Nous : “Ha…”
Lui : “Surtout que je suis tout seul, et cette semaine j’avais un troupeau de jeunes tout seuls ici…”
Nous : “Ho… En autonomie ? Et alors vous allez où ?”
Lui : “Ben moi dans ces cas là je peux retourner chez moi retrouver ma femme… Parce que je suis pas toujours là hors saison !!”
Nous : QUOI ??”
Lui : “Ben oui, avec mon associé on alterne d’habitude, mais là il est parti faire un tour du monde… Il rentre bientôt !!”
Nous : QUOI ??”
Ben je peux te dire que le pain d’épices à la lavande, glace vanille et sirop au Martini et thym, il avait pas le même goût !! Et puis je peux te dire que pas de pourboire !! Non mais hein, ça va bien là !! Jouer comme ça avec les sentiments des gens…
C’était pas habituel pour le RER du matin, et il flottait dans la rame comme un chant de moineaux.
Un pioupioutage de début de printemps, celui qu’on entent au moment où les moineaux se rendent comptent qu’ils ont passé l’hiver et déclament leur amour aux moinettes du haut des arbustes (ça vole pas très haut un moineau).
Bref, pas quelque chose de normal…
Le normal dans le RER le matin, c’est le silence…
C’est quand on peut s’émerveiller au loisir de la symphonie des roues sur les voies et de la danse des costards trimballés par les virages.
C’est quand personne ne parle, que seuls des regards de “pardon vous me marchez dessus”, de “Tu me gènes connard”, ou de “T’arrêtes tout de suite de lire par dessus mon épaule” s’échangent entre les voyageurs.
C’est quand tu dois faire preuve d’un gainage parfait pour pas tomber sur son voisin quand le RER freine….
C’est le rêve quoi !!
Mais là il flottait comme un air de printemps au milieu de tout ça.
Je les avais pas vu au début, mais la rame était peuplée de petits d’hommes, et d’une institutrice de l’école Pedro Morales de Cergy Pontoise qui commençait à se décomposer et ressemblait de plus en plus à Marianne Faithfull dans Irina Palm (c’est à dire class mais vraiment pas trop)…
Elle avait décidé d’emmener sa classe de CE1 admirer les tours de la Défense, et pour pouvoir proftier à fond de la matinée ils avaient quitté la classe dès l’arrivée des gosses : à 8h30… Sans se douter que le RER entre 8h30 et 9h30 ressemble plus à un charnier kosovar qu’à un remake de Pokahontas.
Les petits d’hommes étaient entre les gens, par petits groupes de 4 ou 5, et faisaient leur boulot de petits d’hommes.
Vas-y que je te parle de mon papa qui est plus fort que le tien que le mien il a une tronçonneuse, et vas y que moi j’ai eu le droit de regarder “Qui veut gagner des Millions” hier soir, et vas y que je me chamaille !!
Le troupeau de petits d’hommes vivait sa vie de troupeau, comme à la récré, et la faute à la mue qui est pas arrivée, ça faisait comme un bruit de moineaux…
Et les petits d’hommes vivent à fond leur vie trépidante !!!
un exemple : Le RER freine un grand coup.
Bon, le parisien, il avait prévu le coup. En mode RER, il a un pied devant l’aute en lisant son 20 minutes, bien calé pour les coups de frein. Ca freine : même pas mal.
Le troupeau de CE1 lui, réagit comme un seul homme qu’on aurait foutu dans Space Mountain. ca freine : “HAAAAAAAAAAA” (”t’as vu Coraline, ça a freiné !!”), il rigole de la frayeur qu’on vient de se faire (”j’ai bien cru qu’on allait y passer coraline”), et se remet à pioupiouter…
Mon meilleur trajet pour le boulot depuis un moment… Jusqu’à que le gars à côté de moi, cheveux gominés, dise :
2 jours que ça dure.
Deux jours qu’on est retourné en novembre : Une pluie fine et persistante rythme nos journées, le thermomètre est repassé sous les 15 degrès, et ma grenouille boude et refuse de monter sur son échelle…
Les enfants tombent malade, les autites se multiplient… A ce rythme, on aura pas besoin d’attendre l’automne pour vacciner tout le monde contre la grippe porcine, il faudra le faire début juillet !!
Mais…
Une fin de printemps et un été pourri… Une vaste vengence de la météo… Ca te rappelle rien lecteur ?
2007 !! (bravo pour ceux qui suivent…)
La météo avait décidé de faire la gueule du 6 mai jusqu’à la fin de l’été. Pas un seul barbeuk, pas un seul apéro terrasse… RIEN !!!
(Pour ceux qui ont la mémoire courte, voilà les liens là, là et là (à lire autrement tu vas rien comprendre :p))
En 2009… Tout avait bien commencé !!
Le petit bar à fruits en bas de chez moi ne désemplissait pas, la rue Montorgueil n’était plus que terrasses, les places pour les piques niques se faisaient rares en fin de week end sur le Pont des Arts, et Bordeaux la belle nous avait déjà donné l’occasion de taquiner les vagues à plus de 30°…
Pour un mois de mai c’était pas mal, et la suite s’annonçait prometteuse… Mais voilà : l’Accident !!
Rappel des faits :
6 mai 2007, Sarko (je te vois) est élu président de la République Française.
La météo, grande gauchiste et écolo à ses heures, commence à faire la gueule. Les législatives arrangent rien et c’est tout le printemps qui part en eau de pluie. Joël Colado savait plus où se mettre dans le studio de France Inter pour nous annoncer la chute des températures, l’arrivée de l’hiver, et le retour des Rennes dans nos régions… Rappelle toi lecteur, c’était la merde !!
7 juin 2009, Sarko remporte les élections européennes… 2 jours de flotte… (sanction)
Et c’est que le début…
Votez pour le beau temps la prochaine fois bordel !!
3-8 (Si tu sais pas qui est 3-8, tu peux aller voir là, et là) a dit qu’il fallait vraiment tout faire ici, qu’on était dans une gargote dirigée comme un hôtel de passe de Bangkok, que s’il fallait qu’il fasse la journée en plus de la nuit il allait falloir l’augmenter sérieusement, que ok pour cette fois il remettrait tout d’équerre, mais qu’il faudrait pas compter sur lui la prochaine fois pour assurer le réveil !! Et j’ai ramassé mon livre (vraiment là lecteur, il faut suivre un peu… je te fais la suite de l’article qui est juste avant…).
Il se passe dans le métro pour moi, à Marseille pour Fabio, et au fil des stations qui vont de la maison au boulot je me retrouve sur des corniches au milieu d’effluves de bouillabaisse qui changent pas mal des odeurs habituelles du métro. Le but du jeu est d’avaler un maximum de pages sur la demi heure où je serai trimballé en souterrain pour suivre les digressions de Fabio, ancien flic qui a pas fini de régler ses comptes avec le Milieu, et qui vit au milieu de ses envies de musique, de bouffe, et de ses souvenirs…
La Trilogie Marseillaise m’emporte loin de l’odeur du gros monsieur qui sent de sous les bras, un bouquin y est déjà passé, ce matin là je suis en train de terminer le deuxième… Et je peux te dire que ça chauffe au gros bois !!!
Fabio est acculé, un mafieux en face de lui, et va falloir qu’il assure pour s’en sortir… Je suis sur un strapontin, les yeux rivés sur mon bouquin…
Coup de feu !!!
Non…
Je lève la tête. Une parisienne est en train de me regarder.
40 ans, tailleur vert, un peu maquillée et les cheveux tirés en arrière.
“C’est juste ouf le rebondissement là !! Zavez vu ?”
Elle baisse la tête, replonge dans son métro comme si elle savait pas de quoi je parlais….
Je retourne à mon livre… Aucun sens du rebondissement ces parisiens…