Parce que ça fait longtemps

mai 20th, 2011 by Batiste

Jean-Louis : “Bon Catherine, j’ai discuté avec Paul, et c’est pas toi qui va avoir le projet…”
Catherine : “Non mais tu déconnes là !! C’est un poisson d’avril ou quoi ?”
Jean-Louis : “On est le 4 février Catherine… Et c’est le DPLOB (”Département Pour Lequel On Bosse”) qui va définir la solution du nouveau marché d’outillage… J’ai rien pu faire…”
Catherine : “Tu te fous de ma gueule là (NDLR : Catherine est un peu cash avec son chef) !! C’est le DQGTLO (”Département Qui Gère Tout L’Outillage”) qui gère TOUT l’outillage des PDP (”Putains De Plateformes”), et ça depuis 1997 !! Quand le DPLOB a fait son truc dans son coin la dernière fois on a rien dit (on a rien dit)… Mais ce projet DOIT faire partie du périmètre du DQGTLO !!! Et si la DG (”Direction Générale”, je te traduis tous les sigles de la BQNFDM (”Boite Qui Nous File Des Missions”) au fur et à mesure qu’elle parle, ça sera plus facile pour suivre) veut pérenniser du transitoire je ne le cautionnerai pas !!”
Jean Louis : “Catherine… Je suis désolé mais la décision a été actée en comité de direction… On peut plus rien faire… Et puis est-ce que tu pourrais utiliser un peu moins de sigles ? Tu commences à perdre le lecteur…”
Catherine : “Écoute-moi bien Jean Louis… J’en ai rien-à-foutre du lecteur !! Je suis colère !!! Je suis colère parce que je suis déception !!”

Bon…
Tu l’auras remarqué, Catherine est pas très joie et elle mettrait bien la tête du responsable du DPLOB au bout d’une pique…
Bon dans l’idéal, son jeu à lui ça serait d’éviter de la croiser dans les couloirs pendant une ou deux semaines et puis de faire son projet tranquilou dans son coin… Mais voilà, Catherine dirige le DQGTLO, et tu vois bien que DPLOB a été obligé de l’impliquer dans le projet de renouvellement de l’outillage des PDP.

Entre temps, le DPLOB avait choisi une boite de conseil pour mener le projet, et ce sont deux consultants qui se sont pointés pour l’entretien de Catherine. Deux gars très bien, propres sur eux, les dents astiquées au fil dentaire (vraiment… Rien à dire)… Mais ces deux gars qui arrivaient la bouche en cœur étaient destinés à la boucherie.

Je te fais l’entretien.

Catherine entre dans la salle de réunion où les consultants l’attendaient.
Elle est pas là pour être ici et c’est son œil qui le dit : son œil qui tique et aussi la façon dont ses mains referment son gilet sur elle.
Elle est assez petite, très sèche, et sa crête rouge en fait une méchante de Walt Disney. Elle serre la main des consultants avec tout le dédain du monde et, suivie de son assistante, elle fait le tour de la table pour s’installer en face des encostardés. Une fois assise, elle blottit ses bras contre son gilet, se referme, et attend.

Tout le monde sait comment ça va commencer. Catherine comme les consultants. Elle va se mettre à gueuler à la deuxième phrase du consultant. Il aura dit un mot de trop, et ça sera une bonne excuse pour commencer à gueuler. Ce qui est important pour le projet, c’est la façon dont l’entretien va se terminer.

Faire attention à tous ses mots.
Replacer le projet dans son contexte et demander de combien de temps on dispose…
Faire attention à tous ses mots.
Assoir la légitimité du projet et des gens mandatés pour le dérouler…
Jusque-là tout va bien…
C’est au mot “mail” qu’elle se met à gueuler.
Inévitable… “mail” il fallait bien le dire vu que le projet prévoit un outillage mail…

Elle gueule.
Elle gueule sur les consultants, sur le projet, sur le périmètre du bouzin, sur son périmètre à elle… Elle gueule les bras croisés sur son gilet. Et plus elle gueule plus son œil tique… Et elle croit qu’elle est en train de gagner le match.

Mais voilà.
Ce que Catherine ne sait pas c’est que le plus vieux des deux consultants (celui qui perd ses cheveux) est tombé très précisément sur ce cas à l’exam de sa formation “communication orale”, et que les sorcières qui tiquent et qui gueulent, et ben il les laisse gueuler.
Alors il enchaîne un combo “mur poreux”-”prise de notes”, la regarde bien dans les yeux, n’ouvre surtout pas la bouche, et pendant les 5 minutes où elle gueule, le seul truc qui bouge côté consultant c’est un stylo…
Elle finit par s’épuiser… Et s’arrête toute seule.

Son œil tique encore. Le consultant relance d’une question qui titille, et la nana se remet à gueuler.
Une petite gueulante juste pour la forme…

Son œil ne bouge plus.
Normalement il faudrait reformuler… Le formateur a dit que normalement il fallait reformuler…
Le consultant reformule la gueulante, et pose sa première question : “Vous venez de dire que tous les projets concernant l’outillage sont dans votre département. Est-ce qu’on pourrait faire ensemble la liste de ces projets et déterminer leurs périmètres ?”

Elle a tout déballé.
Tout ce qu’ils étaient venus chercher, ils l’ont eu. Les projets, les équipes, les plannings…
Pour montrer qu’elle aurait dû avoir le projet, elle leur a fourni de quoi reconstruire le présent et le futur des projets de Catherine : tout ce qu’il fallait qu’elle donne pour faire avancer le projet…

Jean-Louis : “Alors Catherine ? Ce projet d’outillage des PDP ?”
Catherine : “J’ai rencontré les consultants… Je peux te dire que je leur ai pas fait de cadeaux !! Peuvent toujours courir pour que je collabore…”
Jean-Louis : “Bon… Peut-être que la prochaine fois on aura le projet !!”
Catherine : “Je les ai bien niqués !!”

This entry was posted on Vendredi, mai 20th, 2011 at 22:31 and is filed under Ils existent et ils sont plusieurs, L'aventure c'est l'aventure...., La vie ne fait pas de cadeaux. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

Leave a Reply