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Parce qu’ils ont disparu

janvier 23rd, 2011 by Batiste

Au début, je leur disais pourquoi j’appelais.

Je leurs disais que les gars de l’informatique qui mettent en place leur outil de travail c’était moi (avec mes petits bras), et que je les appelais pour faire un test ; oui c’est ça juste pour vérifier que le service marchait bien et que quand je tapais 3 je tombais sur un téléconseiller de l’Enseigne… Et en général ils comprenaient rien.

Ils comprenaient rien ou ils pensaient que je les appelais pour les fliquer. Un sur deux se mettait à paniquer, bégayait, et je sentais qu’ils étaient aussi stressés que s’ils devaient repasser l’épreuve d’histoire-géo du bac : ils faisaient attention à pas faire de boulette, recomptaient tous leurs mots, et je me retrouvais avec vingt “merci de votre appel” avant de pouvoir raccrocher…

Alors maintenant je leur mens.

Le téléconseiller : “Bonjour, que puis-je faire pour vous ?”
L’auteur (fourbe) : “Bonjour, je voudrais connaître les horaires d’ouverture du bureau de poste de Richard Lenoir à Paris onzième.”
Le téléconseiller (qui trouve que la question est facile) : “Vous avez le code postal ?”
L’auteur (habitué) : “75 011″
Le téléconseiller : “Ha oui Paris onzième…”
L’auteur : “Voilà !!”
Le téléconseiller : “Richard Lenoir vous avez dit ?”

Hop hop hop je t’arrête tout de suite lecteur !!

Va pas croire que le téléconseiller a pas tout de suite capté quel bureau de poste il devait chercher, le code postal et tout… Si là, le téléconseiller minaude et me demande de préciser tout ça, c’est parce que pendant ce temps il est en train de se balader sur ses outils pour me les filer les horaires dès que j’aurai répondu “Oui oui Richard Lenoir”, histoire de m’impressionner un peu… Je reprends le cours de la conversation.

L’auteur (déroulant) : “Oui oui Richard Lenoir”
Le téléconseiller : “Alors le bureau de Poste est ouvert de 8h à 20h sans interruption.”
L’auteur (re-fourbe) : “Et le samedi ?”
Le téléconseiller : “De 8h à 13h. Vous fallait-il d’autres informations”
L’auteur (content du service) : “Non c’est bon. Merci”
Le téléconseiller (formé pour dire cette phrase) : “Merci de votre appel. Au revoir !!”
L’auteur (qui aura le dernier mot) : “Au revoir”

Tout ça pour te dire, lecteur, qu’au réveil ce samedi là, je me suis pas demandé pendant mille ans jusqu’à quelle heure était ouvert le bureau de poste de Richard Lenoir (Paris 11°) où m’attendait un recommandé…

Non parce que le sujet de ce post n’est pas du tout le centre de relation client de La Poste !! Je vais pas non plus te raconter mon boulot… Non non, le sujet de ce post c’est tout simplement les vieux à la Poste.

Je dis vieux, je pourrais dire “retraités” (rapport à mes parents qui sont retraités et qui sont pas du tout vieux).
Mes parents, jeunes retraités et plus actifs que jamais, occupés du matin au soir et embrigadés dans tous les apéros où l’on grignote des cacahuètes (qu’ils touchent jamais) en sirotant le Kir de l’amitié (qu’ils goutent toujours), mes parents donc, sur la lancée de leurs 40 dernières années de vie active vont chercher le pain à 19h ou faire leurs courses pour la semaine le samedi aprèm… Comme de bons vrais vieux (comme de bons vrais retraités) qui se respectent, histoire de dire qu’y a trop de monde…

Habitué à cet état de fait, habitué à aller chercher un truc que j’ai oublié à Leclerc le samedi aprèm midi et à me retrouver coincé à la caisse derrière des petits vieux qui viennent de faire déborder leur caddy (à la caisse moins de dix articles… Parfaitement lecteur !! Je n’oserais pas faire preuve de mauvaise foi !!), habitué à la boulangerie de la rue Oberkampf le soir à 19h, et habitué au bureau de poste de Richard Lenoir le samedi matin, je prends mon bouquin, mon lecteur mp3 et file à la Poste.

J’ouvre la porte, me faufile entre les machines à timbre, et me retrouve dans un bureau désert. Au stand à Colis et à recommandés, deux postières sont là, prêtes à affronter les hordes de vieux du samedi matin, aguerries aux sonotones, formées aux “La dame te demande si tu as apporté ta carte d’identité pour retirer ton colis”, mais irrémédiablement seules.

Je donne ma carte d’identité, et fais mon plus beau sourire…
La postière sent une inquiétude dans mon regard…
Je me hasarde…

L’auteur : “Mais… Ils sont où les vieux ?”
La postière : “Ha les vieux ? On les a formés, ils viennent plus le samedi matin…”
L’auteur : “Formés ?”
La postière : “Ouaip formés. Ils viennent en semaine, entre 14h et 16h…”
L’auteur : “En semaine… Avant la sortie de l’école primaire ?”
La postière : “C’est ça, entre la fin de la pause de midi, et la sortie de l’école primaire… On a appelé ça “l’heure des vieux”, et ça fonctionne pas mal”
L’auteur (déçu) : “Ha… Bon…”
La postière : “Tenez, voilà votre recommandé…”
L’auteur : “Merci”
La postière : Mais dites moi, vous avez vraiment un… très gros recommandé…”

J’arrête là le cours de la conversation qui vient de basculer d’un coup sur une pente des plus savonneuses, et te pose cette question lecteur :
Je fais comment moi maintenant pour terminer mon bouquin ? Hein ? Parce qu’il est écrit en taille 6 sur du papier à cigarette, et même comme ça, avec ses 1 500 pages, il est épais comme un bottin !! Alors si j’ai plus de files d’attentes nulle part, si les vieux désertent nos centres commerciaux et nos bureaux de Poste le samedi, comment je fais moi pour me plonger là dedans et suivre les aventures de ce bon Edmond ??

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