Parce que c’est fermé !!

mars 9th, 2010 by Batiste

Elle m’avait fait un grand sourire mais j’avais pas compris pourquoi.

L’ourlet d’un de mes costards avait lâché (un costards qui avait même pas 2 semaines… Le tocard qui l’avait repris avait du sapper son boulot), et j’étais allé à la retoucherie devant laquelle je passe à chaque fois que je rentre chez moi en vélib : Une toute petite retoucherie tapie dans l’ombre, tenue par une toute petite vieille qui vit dans son magasin, et gardée par un tout petit chien qui se jette sur les mains de tous ceux qui rentrent là dedans pour les léchouiller.

C’est là qu’elle m’avait fait le grand sourire, et je le lui avais rendu en me faisant léchouiller les mains (par le chien lecteur… Par le chien).
Quand elle avait regardé l’ourlet à moitié défait, la petite vieille s’était bien rendu compte que le tocard qui l’avait repris avait sappé son boulot, mais elle avait rien dit. Elle m’avait juste souri en m’annonçant que je pouvais venir le récupérer deux jours plus tard et que ça me couterait 3 euros.

Malheureusement, le Batiste n’apprend jamais : alors un an plus tard, quand le marchand de costard lui a demandé “On vous fait les ourlets ? C’est que 8 euros…”, au lieu de dire (au choix) “Non, votre tocard est pourri !!” ou même (mais ça aurait été osé) “Quoi ? Je vous lache 400 euros pour un costard et vous voulez me faire payer les ourlets ? Chérie, prends ton manteau on se casse ces gens sont des cons !!”, le Batiste a répondu “Oui oui”… (A ma décharge, j’étais tout seul à ce moment là dans le magasin, et c’était assez dur de placer le “Chérie, prends ton manteau on se casse”)

Pas étonnant alors que deux semaines plus tard l’ourlet du bas d’une des jambes avait laché… Ca plus la braguette d’un autre pantalon (mais ça n’a rien à voir).

D’un pas guilleret je me pointe à la retoucherie : fermée !! Le lendemain : Fermée aussi !!
D’un coup le sourire de la petite vieille m’est revenu : A postériori c’était pas un sourire de “je vais pouvoir manger ce soir”, ni même un sourire de “je vais pouvoir payer mon loyer ce mois ci” !!!. Non lecteur, c’était un sourire vachement plus fondateur que ça : un vrai grand sourire qui change la vie, un sourire qui libère.

La petite vieille avait une calculatrice dans la tête, toutes ses feuilles de cotisation en mémoire, et elle savait parfaitement qu’une fois mon ourlet refait et avec 3 euros de plus en poche, après 72 années de vie dont 56 passées à vivre au milieu de vêtements à retoucher, elle pourrait enfin baisser le rideau et se payer une retraite… J’étais un peu le vainqueur de la journée, le millionième client, celui à qui d’habitude on offre une voiture parce qu’il s’est trouvé là à ce moment là, mais qui cette fois avait fait gagner bien plus que ça : une retraite !!

Alors non pas une retraite dorée à se la couler douce au soleil, un cocktail pour elle et un pour son chien. Non, une toute petite retraite. Une retraite qui lui permettrait juste de continuer à vivre de rien dans son appart avec son petit chien, mais sans plus jamais un vêtement à recoudre…

Ou alors je me fais des films et elle est morte.

This entry was posted on Mardi, mars 9th, 2010 at 12:24 and is filed under La vie ne fait pas de cadeaux. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

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