Parce que j’y suis allé…

février 15th, 2009 by Batiste

Toute cette histoire a commencé à la fin d’un cours de musique au collège alors que j’étais en quatrième. Notre prof de musique était aussi directrice de l’école où j’apprenais le piano, et alors que tout le monde partait en récré…

La prof : “Batiste ? Le groupe d’accordéons de l’école de musique n’a plus de pianiste… Alors je me disais…”
Le djeun’s : “Prrrfff, le groupe de Quoi ?? (Parlez moins fort on pourrait nous entendre…)”
La prof : “Le groupe d’accordéons… A plus de pianiste… Alors je me disais…”
Le djeun’s : Héhé !! Le groupe de… Quoi ? (Moins fort je vous dis…)”

Et elle est partie tout seule, qu’ils étaient très forts, reconnus et tout, passaient des concours dans la France entière, et que c’était un peu la fierté de l’école de musique, et puis que bon, niveau déchiffrage ça pourrait pas me faire de mal, et que jouer dans un groupe ça me servirait toujours, suivre la direction tout ça… Et que même plus tard si un jour je faisais du jazz…

C’est comme ça que je me suis retrouvé le vendredi suivant propulsé pianiste d’un groupe d’une quinzaine d’accordéonistes qui se connaissaient tous, accompagnés d’un batteur et de moi. Tout timide, muet derrière mon piano, perdu dans les 150 partitions qu’on venait de me donner, je faisais tout ce que je pouvais pour suivre la chef d’orchestre en vue du premier concert prévu 2 semaines plus tard…

Ils ont mis un mois à entendre le son de ma voix. Un mois pour que je passe la tête au dessus du piano et les regarde de près. Un mois pour que j’ose dire un petit mot à ce troupeau de boutons qui jouaient d’un instrument bizarre… Et puis ils m’ont répondu !!

Et j’ai adoré ça le groupe d’accordéons. Le batteur était un hollandais fou, capable de changer de style en 2 secondes et avec qui je partais en impro blues dès que les autres arrêtaient de jouer, la chef d’orchestre était toujours à la pointe de la répétition et de la blagoune, et tous les autres étaient de super musicos qui sont devenus de supers potes.

De répet’ en concerts, de repas en concours, de soirées en voyages, je suis rentré dans un monde parallèle, et suis resté un pivot de cette petite bande pendant 6 ans…

Alors je mets les choses au point tout de suite mon petit lecteur, on faisait pas de l’accordéon de guinguette, on faisait pas dans le flonflon et le rouge qui tâche… On faisait de l’accordéon de compète !! Le but c’était d’apprendre des airs classiques, d’opéra ou autre, et de devenir le meilleur groupe d’accordéon du monde… De tirer des larmes des yeux de réfractaires à l’accordéon sur un air de Carmen ou de faire chantonner Jeanro sur le Barbier de Séville…

Et on était bon à ça !!

Dans le monde parallèle de “l’accordéon Club de France”, avec ses concours, ses événements et ses stars (tu n’imagines pas lecteur tout ce que peut représenter l’accordéon club de France, ni l’organisation secrète et silencieuse que ça peut être…), on était de vraies stars, et 4 ans plus tard on était champion de France dans la meilleure des meilleures catégories, avec une grosse coupe de plus à notre actif, des bouteilles de champagne pour boire dedans pendant le voyage de retour, et en poche le droit de disputer l’année suivante les championnats du monde d’accordéon en Martinique !!

Et c’est là que je voulais en venir. Parce que la Martinique c’est loin, faire décoller une vingtaine de gugus pour les championnats du monde d’accordéon (comptes un supplément bagages pour les accordéons) ça revient pas à bézef… Et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé à jouer du musette…

La chef était arrivée avec 150 nouvelles partitions, nous les avait distribuées et avait dit :

La chef : “Maintenant, pour se payer le voyage on va faire des concerts partout où on pourra. Plus on fait de concerts plus on a d’argent, plus on a d’argent moins ça nous coute cher pour aller en Martinique… Vous en êtes ?”
Les p’tit gars : “On en est !!”
La chef : “Bon par contre on a pas le temps de les répéter celles-là, on a encore du boulot sur le Barbier, on verra direct en concert !!”

Au premier concert…

Le batteur : “Allez on fait “Fleur de Paris” !!!”
Le pianiste : “C’est laquelle ??”
La chef : “Page 42 !!!”
Le pianiste : “Je l’ai pas la page 42… Ca passe direct de 41 à 43 !!”
La chef : “Démerde toi, c’est en sol (elles sont toutes en sol), on commence !!”
Le pianiste : “…”

Et on a écumé tout le Médoc. Dans toutes les fêtes de village on jouait entre le gars qui avait fait le Paris-Dakar et qui venait montrer sa voiture et un numéro d’hypnotiseur, entre la fille du coin qui chante (presque) comme Céline Dion et la grande tombola pour savoir qui allait gagner le jambon… Pour la fête des chasseurs de Moulis (elle m’a couté celle-là), pour la fête à la saucisse de Margaux, et pour l’amicale de ceux qui aiment les flonflons et qui se sont payés un groupe pour guincher à Parempuyre !!

Le batteur venait me chercher à la maison avec son camion, on chargeait le piano, et on prenait la (superbe) route des vignes pour rejoindre les autres à Macaux ou ailleurs. Eux étaient déjà morts de rire de tout ce qu’ils avaient vu depuis leur arrivée… On était ultra rodés… On pouvait faire durer les morceaux des heures… On était gratos sur les saucisses, on mettait de l’argent dans l’escarcelle… Les gens étaient contents…

Le batteur : “Allez on fait “Fleur de Paris” !!!”
Le pianiste : “Trop bien, c’est une de mes préférées !!!” (Sur “Fleur de Paris” je pouvais improviser…)
La chef : “J’ai paumé la partition !!”
Le pianiste : “Démerde-toi (c’est en sol)”

Au final, que de bons souvenirs !! Le plaisir de jouer tous ensemble, la complicité des différentes voix, les impros perpétuelles en rattrapage de “j’ai pas la partition”, la route des vignes…

A côté de ça, on continuait les répètes et les concerts classiques. Bien plus sérieux sur ces trucs là, on avait doublé de nombre de répétitions en vue du départ en Martinique, et on regardait notre pactole s’entasser gentiment…

La légende dira que je n’ai jamais foulé le sol de la Martinique. Tout nouvellement en prépa, j’avais pas pu louper les cours pour partir avec les autres, remplacé au pied levé par une prof du conservatoire… Mais ce matin j’ai repris la route des vignes, entre Macaux et Moulis en passant par Margaux… Et dans la clarté du petit matin, à la vue des pieds de vigne, des mouvements de terrain et des clochers des villages, tous les effluves de cette époque me sont remontés aux nasaux… “Non je ne me souviens plus du nom du bal perdu…

This entry was posted on Dimanche, février 15th, 2009 at 22:47 and is filed under J'aime la vie je fais du vélo et je vais au cinéma, La vie est belle.... You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

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