Parce que c’est la Toussaint

octobre 30th, 2010 by Batiste

Petit texte écrit dans un train un peu avant la Toussaint 2007…

Chapitre 1

La gare de Dax.
La nuit avait pas été facile et le voyage avait été un petit moment de rigolade avant de retrouver maman.

Adèle s’est mise à pleurer dans la voiture, mais moi j’ai pas craqué en conduisant.
On a dit que c’était le moment idéal. On a dit que son état ne pouvait plus que se dégrader. On a dit qu’elle nous avait fait un beau cadeau en mourant du jour au lendemain, sans préavis et sans souffrir…

J’ai pas craqué non plus quand on est allé à la ferme chercher des œufs pour le week-end. J’ai même pas craqué quand la fermière nous a dit quelques mots pour nous réconforter : J’ai craqué sur le chemin du retour à la maison quand Adèle a demandé si elle pourrait aller lui faire un bisou pour lui dire au revoir. A cet instant, tous les mots qu’on avait dit jusque là étaient brutalement devenus une réalité : Amatxi était morte et on était là pour lui dire au revoir.

“Je peux conduire Batiste, arrête toi sur le côté et je conduis…”
Je faisais non de la tête. Sans lâcher le volant, sans tourner la tête, mais des larmes coulaient sur mes joues. Je voulais pas pleurer devant maman, je voulais pas la rendre encore plus triste.

A la maison, il a vite fallu faire à manger, préparer la nuit, discuter de l’emploi du temps du lendemain. La Logistique devait nous occupait l’esprit, mais tous les instants nous ramenaient à elle. Fini le vélo, les tartes aux poireaux ou les omelettes aux patates, les tours dans le bois et Amatxi… Son lit était vide, sa maison semblait être morte avec elle.

Chapitre 2

“Qu’est ce qu’on marque sur ce bouquet ?”
“Vous allez marquer… A Amatxi !! Non vous allez marquer : A notre Amatxi adorée !!”
En 4 mots Adèle avait tout résumé…
La fleuriste a rien vu. Maman a tout capté quand elle s’est tournée vers moi.

Chapitre 3

Ils sont tous venus. Tous les cousins, même des qu’on avait pas vu depuis 15 ans.
Amatxi était déjà dans son cercueil, les yeux de mamans ont rougis quand la porte s’est entrouverte et je l’ai prise un bon moment dans mes bras… Elle m’a souri et m’a dit “Elle risque plus revenir, ils m’ont dit qu’ils ont remplacé son sang par du sérum… C’est fini maintenant…”
Je devrais la prendre plus souvent dans mes bras…

Je voulais pas aller la voir toute morte…  Je voulais garder un autre souvenir d’elle, même de la fin quand elle était malade, me regarder avec de grands yeux étonnés et me dire après 25 ans de complicité : “Haaaaaaa… Alors c’est toi Batiste…”, en forme et pleine de vie, sa tête déjà à d’autres étages.

Adèle a redemandé à maman si elle pouvait aller la voir pour lui faire un bisou. “J’ai l’impression que si j’y vais pas je l’abandonne… Je lui avais dit que je reviendrais la voir… Je veux lui dire au revoir…”.

Chapitre 4

Adèle comprenait pas qu’on aille à l’église, Pantxo et Xomin non plus… Mais il se trouve qu’y a aucun autre endroit où les gens peuvent se réunir (si on veut pas enterrer Amatxi en 10 minutes comme des voleurs), et puis c’est ce qu’elle aurait voulu…

Adèle avait choisi les musiques d’entrée et de sortie, et la musique nous a pris à la gorge dès qu’on est rentré. Elle avait choisi des trucs qu’Amatxi aimait, et tout est remonté à la surface. Je tenais maman par le bras juste derrière le cercueil et je savais qu’elle pleurait.

On s’est aligné tout serré à 6 sur le premier rang, maman, Jean Pierre, Pantxo, Xomin, Adèle et moi, et on a pas écouté un traitre mot de ce qu’a dit le prêtre (On avait voulu écrire des textes pour parler d’elle mais on a dû se taper les inepties habituelles…).

On était dans nos souvenirs, à se rappeler d’Amatxi, et à fixer la boite dans laquelle elle était. Adèle était effondrée sur l’épaule de maman et arrêtait pas de lui parler tout doucement, les yeux des cousins étaient rouges, et mes yeux allaient entre le cercueil et les murs de l’église de Tartas.

“Ca va être le plus dur le cimetière…” elle avait dit maman, mais ça a pas été si dur que ça. C’est resté simple. Sans cérémonial particulier. On avait fait péter le protocole du prêtre, et on a regardé en un tas de proches agglutinés le cercueil se poser au fond du trou d’où il ne ressortirait pas… Les bouquets de fleurs faisaient légion, et je suis resté fixé un petit moment sur celui qui disait “A notre Amatxi adorée”.

Le retour à la maison a remis tout le monde d’aplomb. Tous les cousins étaient là, et tout ça s’est transformé en vaste réunion de famille.

Chapitre 5

Dans le train du retour, Adèle me fait un “j’arrive pas à y croire qu’on reverra pas Amatxi moi…”
Je pleure…
“Vas y pleure Batiste, ca fait du bien… Dis moi ce que t’as à dire…”
Je fais non de la tête…
“Elle était malade, ça allait s’empirer, c’est mieux comme ça… Allez dis moi…”
Je fais non de la tête.
“Allez dis moi…”
“Ca enlève pas le reste…”

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